Commander James Bond France

L’héritage de l’espion #5 – Le Ministère De La Salle Guerre

La nuit du 14 au 15 janvier 1942, une troupe de soldats britanniques menée par le Major ‘Gus’ March-Phillipps s’infiltre dans le port de Santa Isabel sur l’île de Bioko (Guinée équatoriale). Leur mission, voler trois navires au nez et à la barbe des agents de l’Axe présents sur place. L’opération a duré 30 minutes et s’est soldée par succès pour les Britanniques (soutenus par le gouvernement du Nigéria). Aucune perte n’est à déclarer du côté anglais. L’opération se nomme Opération Postmaster.

« Gus » March-Philipps, le vrai et le moins vrai.

26 ans plus tard naît à Hatfield, dans le comté d’Hertfodshire, Guy Stuart Ritchie. Amoureux de cinéma depuis qu’il a vu « Butch Cassidy et le Kid » (George Roy Hill), le jeune Ritchie va se lancer dans une carrière cinématographique en passant par la petite porte. Après quelques spots publicitaires et courts-métrages, il se fera connaitre avec les films « Arnaques, Crimes et Botanique » (1998) et surtout « Snatch » (2000) qui l’établiront comme une alternative britannique au cinéma de Quentin Tarantino (… si ils savaient à l’époque).

Comment ? Un James Bond ? Ha non ok…

Boulimique de travail, Guy Ritchie va alors enchainer les productions, réalisant pas moins de 14 films en vingt ans. Parmi ces projets, l’amateur de James Bond remarquera surtout « The Man from U.N.C.L.E » (2015) avec Henry Cavill et Elizabeth Debicki. On pourra également noter un autre thriller d’espionnage, « Opération Fortune : Ruse de Guerre » en 2023 avec Jason Statham en premier rôle. Le cinéma de Ritchie n’est donc pas si éloigné de l’univers de 007 ce que son dernier film tend à confirmer à différents niveaus.

Car oui, on y vient, le rapport avec la petite histoire de March-Philipps et ses copains est là. « Le Ministère de la Sale Guerre » sorti en 2024 entreprend de raconter le déroulement de l’opération Postmaster dans le plus pur style Guy Ritchie. C’est a dire qu’ici, le major Gus-Philipps, interprété par Henry Cavill est un ex-taulard sorti de sa prison par le brigadier « M » Gubbins (campé par le toujours savoureux Cary Elwes) et par un certain Ian Flemings (joué par Freddie Fox, que les fans de « Slow Horses » reconnaitront).

Pourquoi faire de March-Philipps un prisonnier désavoué par l’armée de sa majesté ? Parce qu’il est trop fouuuu pour être un soldat honorable.
Et pourquoi est-il fou ? Parce que « Inglorious Basterd » de Quentin Tarantino sorti en 2009.

Mais si vous voyez ! Il est fouuuuu

On touche donc là au premier soucis de ce « Ministère de la Sale Guerre ». Si le film se présente comme un hommage aux films de guerre Britanniques des années 70 comme « Les Oies Sauvages » (1978), « L’Ouragan vient de Navarone » (1978) ou encore « Un Pont Trop Loin » (1977); il ressemble plutôt à un décalque un peu terne du film de Quentin Tarantino, au point de vouloir faire passer ses personnages principaux pour des mercenaires avides de sang et complètement incontrôlables… alors qu’en fait, ça va hein, ils sont plutôt tranquilles les gars.
Tout cela n’est pas aidé par une réalisation particulièrement plate pour un film de Guy Ritchie. Habitué à des excentricités de cadrage et de montage (quoiqu’on en pense par ailleurs), ici, le cinéaste nous livre un récit platement filmé et qui ne cherche jamais à iconiser ses protagonistes. Alors que, avec cette volonté de tordre la vraie histoire pour en faire un récit bigger than life, toute la réalisation devrait reposer sur cette idée.

Le maximum du gore dans le film.

En témoigne cette scène d’introduction en forme de note d’intention que le film ne respectera jamais. La scène se veut être une évocation de l’anxiogène ouverture de « Inglorious Basterds ». Un méchant nazi arrête nos héros et raconte tranquillement les pires horreurs avant que le rapport de force ne s’inverse brutalement. L’idée étant de dire au spectateur qu’il est sur le point de voir l’antithèse du film de Tarantino. Le problème, c’est qu’en évacuant la tension qui existait dans « Inglorious Basterds », le film de Ritchie n’a rien à proposer à la place. On imagine qu’il se voulait cool, sauf que tout est tellement platement filmé, monté et joué que toute notion de fun disparait rapidement. Le film n’est pas stressant, ni amusant, il est ennuyeux.

Houlà, l’a été à la salle lui non ?

Tout le film est bloqué dans cette impasse artistique. Il y a un écart constant entre les enjeux présentés et leurs traitements. Si vous pensez voir une œuvre subversive sur une bande de psychopathes qui se la donnent en découpant du nazi plus par perversité que par sens du devoir, vous pouvez passer votre chemin et vous relancer une partie de « Wolfenstein ».
Ic, les commandos sont assez dociles, respectent la hiérarchie et ne remettent jamais en question les ordres qui leur sont donnés.
Le plus triste là dedans, c’est que le bataillon véritablement commandé par March-Philipps, le « N° 62 Commando », sera précurseur du fameux S.A.S, les forces spéciales britanniques. Donc fous, les gars l’étaient sans doute pour oser de tels opérations et il aurait été bien vu de la part du film de le mettre en avant.

Si cette période de l’histoire vous intéresse, regardez plutôt l’excellente série « S.A.S Rogue Heroes », qui revient sur les premières missions de David Sterling et de ses copains qui, pour le coup, sont présentés comme une bande d’allumés dangereux et ingérables.

Ha oui mince, c’est pas dans le film ça.

Rien n’est traité avec enjeux dans ce « Ministère.. » . Les personnages investissent tranquillement les bases ennemies en marchant. Chacune de leurs balles fonce gentiment entre les yeux des soldats ennemis et jamais un sentiment de danger ne viendra vous réveiller pendant les longues scènes d’action du film, par ailleurs très généreux de ce côté-là.

Le seul élément qui nous sorte de notre léthargie et la relation de séduction vénéneuse entre le personnage d’Eiza Gonzàles et le méchant nazi interprété par Til Schweiger (de l’adaptation de Far Cry par Uwe Boll… me remerciez pas, c’est pour moi). Ici, Guy Ritchie semble un peu plus s’amuser en nous filmant des échanges tout en sous-entendus et en chausse-trappes. Rien de quoi se relever la nuit, mais ces scènes ont l’avantages d’exister dans un ensemble si morne.

Ils se sont mariés en vrai… c’est pas dans le film.

Enfin, la musique du film, assurée par l’habituel compositeur du cinéaste depuis quelques années Chris Benstead, fonctionne relativement bien. Merci surtout à Ennio Morricone qui est visiblement l’inspiration principale pour ce projet. Encore une fois, rien qui ne vienne déranger ou subvertir un projet bien huilé et qui ne doit surtout pas froisser le spectateur. (On rappelle encore une fois, que c’était la note d’intention du film à la base). De toute façon, Ennio Morricone était déjà utilisé dans « Inglorious Basterds » donc la boucle est bouclée. On reconnaitra quand même à Benstead un vrai sens du groove et une certaine inventivité dans ses choix d’instrumentation.

Si le récent « Argylle » était une vraie déception, c’est parce que le film n’allait jamais au bout de ses ambitions formelles et de ses promesses. « Le Ministère de la Sale Guerre » n’a même pas cette excuse. Contrairement au film de Matthew Vaughn, le dernier Guy Ritchie n’agace pas, il s’oublie aussi rapidement qu’il est regardé.

Fleming à gauche. Ne clignez pas des yeux, vous pourriez le louper.

Ha oui, et la présence de Ian Fleming alors ? Et bien elle n’est justifiée que par le fait que l’auteur de James Bond se serait inspiré de « Gus » March-Philipps pour créer son héros. Information non vérifiable, mais pas improbables Fleming ayant avoué s’être inspiré d’à peu près tous les commandos qu’il a rencontré pendant la guerre pour créer 007. Pour ce qui est de sa présence dans le film, il a encore moins de temps de présence ici que dans le soporifique « Operation Mincemeat » de John Madden (2021). Vous voilà prévenus.

L’héritage de l’espion #2 : Le cinéma de Matthew Vaughn

L’héritage de l’espion #3 : IO Interactive

L’héritage de l’espion #4 : Argylle

Paul Darbot

Si vous n'êtes pas intéressé par le sujet, il est probable que ce soit l'une des passions de Paul. Passionné de musique, de cinéma et de l'univers de James Bond, il pourrait vous en parler pendant des heures. Donc, si vous décidez d'aborder ce sujet avec lui, faites-le en connaissance de cause ! Vous pouvez écouter ses compositions musicales sur son site web : https://pauldarbot.com

Commenter

Bienvenue sur CJB

Translate the page with Google Translate :


Catégories

Nos partenaires du Club James Bond France

Notre Facebook :

Parce qu’un petit like/commentaire fait toujours plaisir ! 😉

Bienvenue sur CJB

Translate the page with Google Translate :


Catégories

Nos partenaires du Club James Bond France

Notre Facebook :

Parce qu’un petit like/commentaire fait toujours plaisir ! 😉