Suite et fin de notre série d’articles sur le tournage de Rien que pour vos yeux vus par Lotus :
THE ITALIAN JOB – ou – CORTINA
Les deux Voitures Bond sont rentrées il y a quinze jours mais votre reporter a été dérouté vers Londres la semaine dernière, d’où un retard pour notre rapport.
Un départ matinal le dimanche 4 janvier nous a vu à Douvres (2 heures) avec plus que suffisamment de temps pour charger les voitures. La police et les douanes de Douvres se sont souvenues de notre excursion précédente et nous ont simplement fait signe d’aller au bateau – simple quand on est célèbre !
Comme nous devions être à Cortina le lendemain quoi qu’il arrive, la société de cinéma nous a demandé de faire prendre le train aux voitures jusqu’à Nice dans le sud de la France en évitant les Alpes, la neige, la glace et les routes bloquées. Faire prendre le train aux voitures signifie que nous avons évité les montagnes et sommes arrivés à Nice frais pour les 960 kilomètres de route à travers l’Italie dans les montagnes Dolomites.
Nous sommes sortis de la gare de Nice en chemises et sous un soleil radieux, avons longé la côte jusqu’à la frontière italienne – Dave Minter a reçu le mauvais œil des douanes jusqu’à ce qu’il explique qu’il était James Bond.
Dès que nous avons tourné vers le nord à Gênes, nous avons commencé à monter et il semblait que la route montait pour le reste de la journée.
Nous ne nous sommes arrêtés que deux fois pour le carburant/café et après la tombée de la nuit, nous avons quitté l’autoroute (elles coûtent une fortune !) pour entrer dans Dolomites. Il a soudainement fait très froid et il a neigé. Les routes étaient très verglacées et comme nous avions déjà roulé ardemment depuis sept heures, nous avons décidé de vraiment ralentir. Ce n’était pas plus mal, car la route s’est soudainement estompée et nous avions devant nous 160 kilomètres de virages en épingle à cheveux en zigzag et de précipices ; dans le noir et sur la glace.
Nous sommes arrivés à Cortina à 20h00 où nous avons été accueillis par l’équipe du film, reconnaissante de nous voir à l’heure et en un seul morceau.
Dans nos chambres nous avons trouvé un grand paquet, contenant ce qui suit :
- 1 Parka Artic en duvet de canard
- 3 ensembles de sous-vêtements thermiques arctiques
- 1 paire de pantalons de ski finlandais
- 1 paire de bottes de skis canadiennes légères
- 1 paire de gants de skis en cuir
- 3 paires de chaussettes en laine
- 1 paire de lunettes de skis sensibles à la lumière
- 1 bonnet en laine
Une note qui accompagnait tout cet équipement disait : « Portez-le, il fait généralement moins 12 degrés pendant la journée ; et moins 22-25 degrés la nuit ! ».
La ville de Cortina est à 1 220 kilomètres au-dessus du niveau de la mer (les montagnes entourant la ville s’élèvent à 3 000) et pendant les premiers jours on constate vraiment le manque d’oxygène dû à l’altitude – en fait nous et l’équipe de tournage avons tout mis sur le dos de l’altitude quand il s’agissait de blâmer quelque-chose !
La société de cinéma avait prévu un garage chauffé pour les voitures, Dieu merci.
À l’origine, nous devions être là-bas pendant une semaine – puis reprendre l’avion pour la dernière semaine – mais, il y a généralement un mais, le temps avait été si beau qu’il n’avait pas neigé depuis cinq semaines, nous devions donc rester avec l’espoir d’une bonne chute de neige.
Quelques jours plus tard, ils ont dû commencer à travailler avec nous. C’était une séquence de nuit établissant Roger Moore dans la voiture alors qu’il arrive à la patinoire olympique de Cortina. De la neige a été amenée par camion et fut soigneusement déposée sur la route d’approche de la voiture. Nous avons filmé jusqu’à 20h00. Et il faisait froid, très, très, froid ; moins 25 degrés. Roger Moore et votre serviteur étaient les seuls pauvres gars à ne pas pouvoir porter des bottes de neige car vous ne pouvez pas conduire une Turbo avec des bottes qui vous donnent des pieds d’éléphant. À 18h00 vos pieds étaient douloureux, à 19 heures engourdis et avant 20h00 ils semblaient juste froids – jusqu’à ce que vous retourniez à l’hôtel où il faisait chaud – puis ils étaient à l’agonie pendant une heure. Amusant ce tournage.
Notre session suivante devant les caméras consistait à faire approcher la Lotus de la ville de Cortina en plein jour. Toujours pas de neige ; beaucoup sur les collines, les maisons, les montagnes, mais pas sur les routes. La société de cinéma voulait de la neige sur la route. « Prenez-en ».
« Mais la route d’approche pour la voiture Lotus est longue de 1.5 kilomètre ! ».
« Alors prenez 1.5 kilomètre de neige – de la neige blanche, de la neige propre, de la belle neige – beaucoup de neige – 30 cm d’épaisseur ».
« D’où ? Il n’y a que sur cette montagne qu’il y a de la neige en quantité ».
« Eh bien, allez-y ».
« Mais nous aurons besoin d’un bulldozer là-haut à travers la forêt et d’une flotte de camions et d’un groupe d’hommes ; ne pouvez-vous pas emprunter une route dans les montagnes ? ».
« Non – nous aimons ce morceau de route ».
« Mais la voiture n’y roulera que pendant peut-être 7 secondes à l’écran ».
« Très bien, nous pouvons nous attendre à ce qu’elle y soit alors à 8h30 demain matin, formidable ».
Nous avons fait une répétition le lendemain matin – la lumière était mauvaise, pas assez de reflets du soleil.
15h00 – « OK, vous pouvez tout emporter, et rouvrir la route à la circulation… Et apportez un nouveau chargement à la même heure demain… Bonne nuit ».
Demain
Neige bonne, soleil bon, assez de neige sur la route pour la voiture. Le réalisateur, mécontent de l’arrière-plan… parle à la radio : « 35 figurants s’il vous plaît, tous des skieurs, équipés de matériel de ski, dans 2 heures ici. Oh, et encore plus de neige pour le terrain derrière la voiture afin que les skieurs puissent skier… ».
Il est à noter que tout cet exercice s’est reproduit dix jours plus tard dans un endroit difficile pour la Lotus. Le Miramonte Hotel, l’un des cinq hôtels les plus chers d’Europe (l’endroit semble sympa !) est la base de 007 à Cortina et on le voit en train de remonter la route sinueuse jusqu’à l’hôtel. L’allée est convenablement « habillée » pour son « arrivée » avec des skieurs, des traîneaux tirés par des chevaux (naturellement) pour ajouter un peu de couleur et, bien sûr, des tonnes de neige importée. Temps d’écran avec la Lotus ? : probablement 10 secondes.
Alors que le Lotus s’arrête devant l’hôtel, le coffre est ouvert par un porteur et les bagages Gucci de Bond sont sortis.
Quand on nous en a parlé quelques jours plus tôt, Dave Minter a disparu dans la patinoire olympique et est apparu une demi-heure plus tard avec des longueurs de tôle d’alliage, pliées, coupées et de forme étrange. Ayant ainsi réapparu Dave a ensuite disparu à nouveau, dans le compartiment moteur de la Turbo. Une heure plus tard, il avait un vérin à gaz autobloquant lorsque le hayon a été ouvert. Le poids de quatre skis OLIN a vaincu la force du vérin à gaz et cela aurait été un peu une véritable farce que le porteur soit coincé à moitié dans le coffre de la Turbo. Le fait que Lotus ait résolu le problème et l’ait réglé sans le mentionner jusqu’à ce que nous soyons devant les caméras n’est pas passé inaperçu.
John Glen, le réalisateur, a dit, à voix basse, « vous êtes de sacrés professionnels. Bien joué ! ». (Un petit détail et un commentaire comme celui-ci rendent notre inclusion dans un autre film de Bond d’autant plus probable).
Une autre indication de notre acceptation par la société de production a été le fait qu’elle a demandé à Lotus de concevoir et de fabriquer les installations pour les skis de la voiture de Bond. Ils ont admis que nous ferions un travail plus adapté et fonctionnel que leurs propres employés.
La peinture cuivre métallisée et l’intérieur en cuir Connolly crème café avaient à nouveau l’air d’une image à un million de dollars sur la toile de fond enneigée de carte postale. Les deux voitures ont fonctionné sans problème lors de notre session à Cortina, un contraste total avec le climat chaud de Corfou 3 mois plus tôt.
Nous avons profité d’un voyage de retour des plus agréables en passant par Milan, le tunnel du Mont-Blanc, un arrêt à Lyon pour la nuit, puis un trajet direct, sec et ensoleillé jusqu’à Calais.
Le Sealink Ferry s’est arrêté à mi-chemin de l’autre côté de la Manche – BROUILLARD. Il nous a fallu presque autant de temps pour conduire de Douvres à Norwich dans le brouillard ce soir-là que cela nous avait pris de Lyon à Calais : 5 heures ! Visiblement le manque d’altitude commençait à rattraper son retard !
Le film doit sortir le 25 juin 1981.
D.C. McLauchlan, février 1981.
Ci-dessous, une chronique de José Mora-Dubecq qui vous résume tout ce qu’il y a à savoir sur les Lotus de Rien que pour vos yeux et que l’on remercie pour cette série d’articles :
Commenter