Il y a près de 20 ans, Tom Cruise partait à l’assaut de la série culte Mission Impossible. 10 minutes après le générique et la musique emblématique de Lalo Schifrin, il faisait mourir tous les personnages de la série laissant un nouveau héros Ethan Hunt comme seul maitre à bord. Ainsi commençait une nouvelle série de film d’action et d’espionnage porté par l’increvable action man Tom Cruise, et dont le 5e opus, Rogue Nation, sortira cette année.
Mission impossible vs James Bond
Tom Cruise vieillit, les réalisateurs changent, les scénarios ne sont toujours pas plus originaux, les rôles féminins fades et clichés, et les scènes de plus en plus improbables. Et pourtant, Mission Impossible n’a jamais suscité autant d’enthousiasme et d’attente dans le public. Comment James Bond a-t-il pu laisser un autre agent lui faire une telle concurrence ?
Lorsque le premier film réalisé, par Brian de Palma, est sorti en 1996, il ressemblait étrangement à Goldeneye : il était sombre, sérieux, violent et high-tech (c’est à dire à l’époque où les disquettes et le TGV étaient à la pointe du progrès). Il contenait deux scènes à couper le souffle (la fameuse scène en suspension et la poursuite sur le train à haute vitesse). De son coté, Bond faisait de même en ressuscitant après 6 ans de disparition, en ravageant Saint-Pétersbourg en tank et en faisant des galipettes sur des antennes géantes.
Les années 1990 sont passées avec leur frénésie explosive des films : le Bond de Pierce Brosnan continuait à avoir la classe en faisant tout exploser sur son passage ; Ethan Hunt continuait à percer les records de vitesse, de saut en hauteur, de moto, de course à pied et autres acrobaties. Sauf que ces choses là ont leur temps : on est arrivé à Meurs un autre jour qui a montré les limites de Bond dans le n’importe quoi, et en même temps, Mission Impossible III réalisé par Jeffrey Jacob Abrams se cassait la figure et condamnait Mission Impossible à 5 ans de discrétion.
Sauf que voila : alors que James Bond a du se réinventer avec Casino Royale en 2006, en étant plus sombre, plus réaliste, plus humain, Mission Impossible revient sur le devant de la scène avec Protocole Fantôme qui devient encore plus incroyable avec les mêmes scènes d’actions, mais transposées en plein air sur Burj Khalifa de Dubaï.
Comment expliquer que ces actions hautement improbables aient autant de succès ? Sans doute parce que James Bond, tout comme la plupart des héros de notre époque, a renoncé aux fantaisies des films d’actions. Après les débauches des années 1990 et 2000, les héros d’aujourd’hui sont sombres et ruminent des pensées noires, les scènes d’actions doivent rester impressionnantes et réalistes, et être suffisamment violentes et traumatisantes. Bref, malgré la classe et les pointes d’humour, les films de James Bond sont devenus sérieux, on ne fait plus trop dans les gadgets, et seuls les méchants sont un peu hauts en couleur.
Nous avons oublié ce qui faisait le succès des films avec Roger Moore : on aime les intrigues d’espionnages, mais on aime aussi les scènes d’actions incroyables et complètement délirantes. On a du plaisir à regarder les cascades avec de gros engins qui coupent le souffle tout en faisant sourire, et les héros qui considèrent toutes ces galipettes comme normales en leur accordant un simple haussement de sourcil et une punchline. Avec le « passage au noir » des héros d’aujourd’hui, Ethan Hunt est devenu le seul héros espion qui n’a pas de super pouvoir, mais n’a pas peur de faire des cascades extraordinaires sans magie, sans armure ou sans marteau divin.
Et ça marche ! Alors que tous les héros contemporains qu’on nous présente vivent dans la peur du terrorisme, Mission Impossible siphonne tout ce qui faisait le succès des vieux films de James Bond : destinations exotiques, cascades improbables, gadgets informatiques extraordinaires, méchants totalement uni-dimensionnels qui se contentent de vouloir faire exploser le monde sans autre forme de subtilité. Et puis aussi des babes, des voitures clinquantes, des répliques fracassantes entre deux combats à 100 à l’heure, sans oublier les gadgets et masques.
Bond n’y touchait plus, et Cruise se donne à cœur joie de tout réutiliser pour accompagner ses scènes d’actions. Matthew Vaughn (Layer Cake, Kick-Ass) s’en est aussi rendu compte en faisant des films d’espionnages comme X-Men et Kingsman qui font revivre l’insouciance kitch du monde des espions.
Je voulais livrer une version post-moderne des films d’espionnage avec lesquels j’ai grandi. J’ai l’impression qu’ils deviennent de plus en plus sérieux de nos jours, – comme James Bond, par exemple – bien trop sérieux pour moi en tout cas. J’ai donc cherché à recréer la sensation que me procuraient les films d’agent secret des années 70. J’ai vu un créneau sur le marché – personne ne faisait de films d’espionnage amusants -, alors je me suis dit « pourquoi pas ? ». – Matthew Vaughn
Pour revenir aux films Mission Impossible, il faut aussi prendre en compte ses autres atouts : des personnages secondaires drôles, un nouveau patron de l’IMF incarné par une star différente à chaque film (Anthony Hopkins, Laurence Fishburne, Tom Wilkinson, et bientôt Alec Baldwin), des cascades faites par Tom Cruise lui même, des réalisateurs qui ne sont pas des débutants (John Woo, Brad Bird, De Palma…). On a également le retour en force des gadgets de pure science-fiction avec un Q pour notre temps (bien avant Ben Whishaw) joué par le seul personnage de Mission Impossible avec une personnalité : Simon Pegg. Rogue Nation annonce aussi une organisation digne de SPECTRE avec Le Syndicat (Raymond Benson, es-tu là ?). Bref, on ne vas pas s’ennuyer !
Du coté de James Bond, cela va faire bientôt 10 ans que 007 a prit sont tournant sombre et réaliste. Petit à petit, l’humour et les gadgets font leur retour, les cascades prennent de l’ampleur, mais sous la direction de Sam Mendès, Skyfall et bientôt SPECTRE s’annoncent très dramatiques et sombres. Ce n’est pas un problème car la qualité est au rendez vous, le scénario est prenant, les personnages ont de l’épaisseur et les scènes d’actions ont beaucoup d’inspirations : autant d’éléments qui manquent à Mission Impossible avec leurs personnages sans reliefs, leurs histoires sans enjeux, et un Tom Cruise ennuyeux quand il arrête de courir.
Mais il faudrait faire attention à ce que ça ne dure pas trop. Les Avengers et les Gardiens de la Galaxie s’amusent de plus en plus à l’écran, la période sombre des héros torturées n’est plus présente que chez Batman. Il faudrait éviter que James Bond soit vu comme trop sérieux pour son époque. Un peu de fantaisie serait la bienvenue, afin d’éviter que Mission Impossible devienne la nouvelle référence du film d’espionnage divertissant !
Marche arrière décomplexée ou courses de voiture de luxe ? Qui froissera le plus de tôle ?
Avec Sam Mendès à la tête de SPECTRE, on est sans doute sur la bonne voie : le réalisateur maintient des personnages avec de la profondeur, mais après le coup d’essai vraiment impressionnant de Skyfall, SPECTRE semble se dessiner comme tournant à son tour le dos à Jason Bourne pour copier Mission Impossible : grosses voitures, gros hélicos, grosses moto-neiges.
Avec SPECTRE et Mission Impossible: Rogue Nation, la lutte va être féroce pour savoir qui sera le plus populaire. Ehan Hunt va-t-il devenir plus dur ? James Bond va-t-il devenir plus décomplexé ? Les deux séries n’avaient jamais eu de film en compétition la même année. En 2015, Bond et Hunt vont avoir rendez-vous au sommet (et sans doute dans les airs, accrochés à des hélicos et avions) !
Bond !!!