L’héritage de l’espion. Cette nouvelle série d’articles exclusifs à Commander Bond, vous propose de revenir sur les œuvres qui s’inspirent ou qui ont inspiré l’univers de l’agent secret le plus célèbre du monde. Au cours de l’histoire, la saga James Bond a tantôt été créatrice de mode, puis a elle-même puisé son inspiration chez la concurrence. Qu’est-ce qui fait l’identité d’un James Bond ? C’est la question qui a motivé cette nouvelle série d’articles.
Avec la sortie récente du trailer de « Argylle », prochain thriller d’action produit pour la plateforme Apple TV, il est peut être temps d’aborder le cas Matthew Vaughn, réalisateur étonnant dont le travail divise les cinéphiles depuis plus d’une dizaine d’années.
Revenons donc sur la carrière d’un homme qui a fait de sa fascination pour James Bond, le maitre mot de son projet de cinéma.
D’abord les bases : Matthew Allard Robert Vaughn est né à Londres en 1971. Après une jeunesse aventureuse (il a fait le tour du monde avec un Hard Rock Café Tour), il se lance dans le cinéma. Rebuté par la concurrence Hollywoodienne, il décide d’abord de faire ses armes en Angleterre.
Officiant tout d’abord au poste de producteur, le premier film de Matthew Vaughn est « Témoin Innocent » réalisé par Scott Mitchell est sorti en 1991. C’est en 1998 qu’il va connaitre un premier succès en produisant « Arnaque, Crime et Botanique » de Guy Ritchie. L’argent généré par le film, permet aux deux hommes de produire « Snatch » en 2000 et enfin le catastrophique « A la Dérive » en 2002, avec Madonna (alors épouse de Ritchie).
La carrière de Matthew Vaughn va alors prendre un tournant beaucoup plus intéressant pour les amateurs de James Bond avec son film suivant dont il est, cette fois, le réalisateur.
« Layer Cake » sort en 2004. Pour son premier film en tant que metteur en scène, Matthew Vaughn décide d’aller à l’inverse de ce qui a fait son succès sur les projets de Guy Ritchie. Dans cette histoire de dealer de drogue londonien, Vaughn mise sur un rythme posé et sur une image léchée. On est loin de la photographie crade et délavée de « Snatch » ou de « Arnaque, Crime… ».
Mais ne tournons pas plus longtemps autour du pot, ce qui fait le principal intérêt de « Layer Cake » c’est évidement son interprète principal, un certain Daniel Craig.
Agé d’alors 34 ans, l’acteur anglais s’impose dans le film comme un monstre de charisme. Si, de l’aveu de la productrice Barbara Broccoli, le choix de Craig pour « Casino Royale » aurait été motivé par une scène du film « Elizabeth » de Shekhar Kapur, nul doute que le magnétisme de l’acteur dans « Layer Cake » a fini de convaincre les producteurs de la saga Bond.
Daniel Craig n’est pas le seul à être courtisé par Hollywood grâce à « Layer Cake », Vaughn se verra également proposer la direction de plusieurs de grosses productions. Refusant le 3e « X-men », il va réaliser le plus risqué film fantastique « Stardust, le Mystère de l’Etoile » en 2007. La réception timide de ce dernier amène Vaughn vers un projet au budget plus humble, « Kick-Ass ». Cette histoire d’un super-héros looser sera un succès est permettra au réalisateur de se voir proposer un nouveau film « X-men » plus en accord avec sa vision.
Et le rapprochement avec la saga James Bond se met en marche.
« X-men: Le Commencement » est un film de super-héros mâtiné d’espionnage dont l’intrigue prend place en plein de cœur de la guerre froide.
Dans ce film efficace, Vaughn laisse libre cours à son amour pour les aventures de l’espion d’Ian Fleming, entre femmes fatales, méchant mégalomane, destinations exotiques et enjeux planétaires. Le film sera bien accueillis par les critiques et même un succès en salles. Plutôt que de réaliser la suite de son film, Vaughn préférera continuer dans la voix de l’action et de l’espionnage testostéronés avec son projet suivant.
A la fois critique, hommage et parodie de James Bond, « Kingsman : Services Secrets » est avant tout un thriller d’action efficace et visuellement impressionnant.
Mettant en scène Colin Firth et Taron Egerton, le film raconte la lutte d’une équipe de supers agents secrets contre un méchant mégalomane qui prépare ses plans de domination mondiale depuis son repère secret.
Difficile de faire plus évident en terme d’inspiration.
Le film sera à nouveau un succès et permettra à Vaughn de réaliser sa première suite. « Kingsman : Le Cercle d’Or » sort en 2017 et semble reprendre la recette du premier film mais en allant plus loin.
Trop loin peut être ?
Le film semble ne jamais retrouver la magie de son prédécesseur. Trop d’effets scénaristiques inutiles, trop de scènes lancées sans liens entre elles. Le film franchi même les limites du mauvais gout avec la scène du mouchard à vagin (on conseil de voir le film pour comprendre). Si l’idée de pousser la philosophie Bondienne dans ses retranchements était intéressante, force est d’admettre qu’à l’image, le résultat est bien plus gênant qu’amusant.
Le film fera beaucoup moins d’entrées que son prédécesseur, et Vaughn réalisera un dernier film dans la franchise avec « King’s Man : Première Mission » en 2021. Bien plus réjouissant que le deuxième opus, cette préquelle met en scène Ralph Fiennes et Gemma Arterton (deux transfuges de la saga Bond), dans une aventure toujours aussi décalée, mais plus maitrisée et plus audacieuse. On retiendra notamment une scène de bataille de nuit dans les tranchées de la première guerre mondiale qui joue habillement avec l’absence de son.
Voilà pour les grandes lignes de la carrière de Vaughn à l’heure actuelle. Le cinéaste prépare actuellement son prochain film « Argylle » avec Henry Cavill. A nouveau, les choix du cinéaste semblent se faire en réaction avec l’histoire de la saga James Bond, Henry Cavill revenant régulièrement dans les sondages du James Bond parfait à cette époque. On se gardera bien de critiquer ce futur film sur la seule base d’une bande annonce, mais force et d’admettre que pour l’instant, « Le Magnifique » « Argylle » semble souffrir des défauts habituels des productions de Streaming actuels dont les ambitions et les budgets ne permettent pas de s’aligner sur la qualité des productions Hollywoodiennes. On reste cependant curieux du scénario qui semble mélanger le classique de Belmondo et l’intrigue de « A la Poursuite du Diamant Vert » de Robert Zemeckis (1984).
Mais le cinéma de Matthew Vaughn est-il aussi respectueux de la saga James Bond qu’il en a l’air ?
A plusieurs reprise, on a noté que les films de Vaughn se moquaient cruellement des 007.
A raison ? La saga inspirée d’Ian Fleming n’est pas exempte de défauts qui méritent une certaines prise de recule. Mais une autre saga avait déjà digéré les tropes des James Bond pour les recracher sous forme de parodie : « Austin Powers ».
Avec trois films produits entre 1997 et 2002, la saga de Michael Myers avait déjà su pointer du doigts la misogynie, le racisme, et la violence gratuite dont savait faire preuve le James Bond des années 60. Si le série « Austin Powers » a décliné dès son deuxième volet, force est d’admettre que son impact dans l’inconscient collectif est bien réel. Aujourd’hui encore, difficile de ne pas rapprocher les James Bond de Sean Connery de leurs équivalents parodiques portés par Myers.
Alors, Matthew Vaughn a-t-il réellement compris la saga James Bond ? Pourrait-il être un bon choix pour réaliser une aventure de 007 ?
Pas de réponse claire à ce sujet.
Si Vaughn a parfois prouvé un certain dédain face aux films Bond et leurs défauts les plus facilement identifiables, il possède aussi un langage cinématographique et un enthousiasme devenus trop rares aujourd’hui.
Partisan du zoom numérique (qu’il est l’un des seuls cinéastes à correctement maitriser), Vaughn propose une mis en scène énergique et claire des scènes d’action. Le cinéaste cherche toujours à trouver le bon angle pour mettre en scène ses histoires et se contente rarement d’un placement juste fonctionnel de la caméra. On doit également lui reconnaitre un sens certain du montage grâce auquel il manipule habillement ses effets comiques et dramatiques.
Au rang de ses défauts, on lui reprochera une surenchère d’effets spéciaux pas toujours heureux et un humour parfois ridicule quand il n’est pas simplement beauf. Enfin, on peut également bouder son choix de collaborateur musicaux souvent peu excitants. Si les efforts de Henry Jackman et Matthew Margeson passent encore sur « X-men : le commencement » et la saga « Kingsman », difficile de ne pas grincer des dents à l’annonce du bourrin Lorne Balfe sur le prochain « Argylle » (on se gardera évidement de juger avant d’avoir le film sous les yeux.).
Reste pour le moment que la proposition de cinéma de Matthew Vaughn, réalisateur imparfait mais audacieux, permet de patienter plus qu’agréablement entre deux épisodes de la saga 007.
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Hello,
Très sympa cet article.
J’ai adoré « King’s Man: Première Mission » mais perso je ne souhaite pas ce réalisateur qui est trop déjanté pour notre saga favorite.
Ça reste un avis personnel mais je ne souhaite pas revenir à un James Bond plus fun, cela laisserai trop la voie libre à la saga MI.
Il ne faudrait pas que l’élève dépasse le maitre🤣🤣🤣
Hey,
Super intéressant comme point de vue ! En effet, je ne pense pas que Vaughn soit un choix pertinent. Et pour être honnête, je ne pense pas qu’il ait réellement de chances d’en réaliser un un jour.
Quant à la direction que devrait prendre la saga, j’avoue être complétement indécis.
Autant je ne pense pas qu’un retour à l’aspect sombre de la saga Craig soit pertinent (on s’inscrivait dans les revivals faussement naturalistes à la Batman Begins à l’époque). Autant un virage vers l’univers des 60′ me semble être une impasse. (De plus, les majors se passeraient bien des problèmes de représentation sexuelles qui viendraient avec un tel package).
Reste l’épineux problème Mission Impossible qui marche en effet énormément sur les plates bandes des Bond.
A ce sujet petite prédiction de ma part :
Le prochain épisode, le dernier mettant en scène Cruise, va faire à nouveau de l’argent, puis l’avenir de la saga va se ternir. Contrairement à James Bond, les films MI ne tiennent qu’à leur interprète principal (pour le grand public du moins).
La saga JB aura alors le champ un peu plus libre.
Voilà, c’était ma prédiction basée sur absolument rien du tout, mais que j’aime bien.
Tom Cruise est producteur aussi et d’après ce qu’on a vu plutôt un très bon. Il y a donc de fortes chances que la saga Mission Impossible ne s’arrête pas avec son départ mais se poursuive avec un autre acteur dans une série de films produits par Cruise. Désolé pour Bond qui s’il ne relève pas le niveau a plus de chance de boire la tasse car pour l’instant rien ne dit qu’il va revenir… du moins avec Eon.