La nouvelle circule grâce aux agences de casting : Bond 24 pourrait nous offrir un homme de main mémorable au physique inhabituel. Rien ne nous dit quelle sera sa couleur de cheveux, mais l’occasion est bonne de se pencher sur un type d’homme de main particulier : le Grand Blond ! (pas celui avec une chaussure noire bien sûre)
Il est aryen, il est beau, il est musclé, il est silencieux, il est indestructible… et il semble avoir disparu de la franchise depuis bientôt 15 ans.
Un ennemi idéal
Le grand blond est un ennemi récurrent dans les films de James Bond. Peu souvent homme de décision, il reste dans l’ombre de son maître. Le chef est assis dans son fauteuil : c’est le cerveau. Le grand blond est debout, en tenue moulante, prêt à servir son employeur : ce sont les muscles. Comme James Bond, c’est un machine à tuer perfectionnée. On peut même l’assimiler à l’alter-ego de Bond dans l’ombre.
Sauf que là où Bond a la classe, le grand blond s’habille mal. Quand Bond drague, le grand blond fait des pompes. Quand Bond est sombre et renfermé, le grand blond est niais et transparent. Il obéit bêtement aux ordres. Il se réduit à une masse de muscles trop exubérante pour faire vraiment envie. Bond est raffiné, le grand blond est sadique : Stamper filme ses victimes et les torture à mort. Red Grant, chez Fleming est « nourri » par des détenus soviétiques pour satisfaire ses besoins. Alors que Bond tue lorsqu’il y a besoin, le grand blond entoure ses meurtres d’un cérémonial inutile : Red Grant met toujours ses gants, Necros garde son baladeur sur les oreilles…
Sa fonction : être visible jusqu’à ce que Bond s’occupe finalement de lui. Le combat est alors injuste : il est trop fort pour Bond, il sourit quand il se fait taper, il transforme Bond en puntching ball. Heureusement, Bond est futé, et il utilise son intelligence pour le battre. Il arrive même à l’humilier puisque c’est par une action toute bête qu’il se débarrasse de lui : il pousse Éric Kriegler dans le vide, grâce au bloc de pierre qu’il portait, il piège Grant grâce à sa cupidité, Necros et Stamper seront victimes de fermetures éclair.
À noter que le grand blond peut aussi exister sans les muscles. Mais cela signifie qu’il est fourbe, lâche comme Bull ou traître comme Davidov (le monde ne suffit pas). Ou pire, il devient tout simplement fou, et cela nous donne Zorin le psychopathe à la tête du complot de l’intrigue. Mais on dérive du modèle typique de l’homme de main fort et blond.
Bref, le grand blond est indispensable ! L’opposition capillaire permet de faire une distinction facile entre James Bond, le british impénétrable, profond, fidèle à sa Gracieuse Majesté, et LUI, le type aryen et symbole de despotisme qu’on hait volontiers, sans profondeur ni réflexion, qui trouve sa satisfaction dans le meurtre.
Face à Daniel Craig, une coexistence impossible ?
Mais il semble avoir disparu de la franchise. Pourquoi ? D’une part, parce que le grand blond est souvent associé à la Russie, aux soviétiques ou aux allemands. L’URSS ayant été bannie de l’ère moderne de Craig, les possibilités de le voir revenir s’amenuisent. De plus, il risquerait de faire de l’ombre au petit blond : Daniel Craig.
Une question de couleur de cheveux ? Peut-être pas seulement… Opposer le Bond de Craig à un blond risquerait de trop lui ressembler. Sans oublier que le nouveau 007 a la fâcheuse tendance d’être un peu brut de décoffrage. Il partage la caractéristique du grand blond de taper à mort d’abord, et ensuite de se détendre et de faire de l’humour. Le Bond de Casino Royale est encore blond dans le sens où il n’a pas acquis tout les aspects qui le différencieraient de son alter ego dans l’ombre.
Cela devient même confus dans Quantum of Solace où le blond réapparait dans le personnage de Slate. Son combat avec Bond est très court, expéditif, pas très clair, et même superflu à l’intrigue. Ça n’empêche pas que ce nouveau blond, moins musclé que ses prédécesseurs est bâti sur le même modèle que Craig : même taille, même forme, peu bavard et qui n’hésite pas à vouloir tuer le premier gars qui entre dans sa chambre sans se poser de questions… On a du mal à distinguer qui est qui dans ce combat, et à la fin, Bond se retrouve un peu bête devant le cadavre de ce blond, dont il récupère les habits, et qui n’est pas sans lui ressembler.
Alors le grand blond a-t-il encore sa place dans la saga ? Skyfall a apporté une évolution intéressante du méchant, en faisant du grand blond l’ennemi principal de Bond. Avec sa chevelure au gout douteux, Silva est aussi présenté comme un alter ego dans l’ombre de Bond (ancien agent lui aussi). Une blondeur à rendre celle de Daniel Craig, pourtant si critiquée en 2006 anecdotique.
En proposant un ennemi capable, fou et machiavélique, Silva faisait oublier, encore une fois, l’absence si longue d’homme de main aux physiques vraiment imposant qui mettent Bond en réelle position d’infériorité. Plus qu’une question de couleur de cheveux, l’homme de main est avant tout un rôle qui a quitté les écrans bondiens depuis longtemps. Depuis Stamper, le dernier grand blond à s’être mesuré à Bond dans Demain ne meurt jamais, les ennemis principaux affrontent eux même directement Bond. Ils ne sont entourés que de gardes du corps oubliables (ceux de Le Chiffre et Dominic Greene), ou ne sont que des assassins rapides qui servent de prétexte aux courses poursuite. Zao avait bien essayé de composer un homme de main donnant du fil à retordre à Bond, mais son look allait, comme tout le film, bien trop loin.
Il est donc temps de voir revenir ce type d’ennemi, avec ou sans cheveux, mais capable de façon réaliste de mettre Bond à terre en un seul coup de main.