A l’occasion du 79e anniversaire de Dame Judi Dench, Commander James Bond France revient sur l’héritage qu’a apporté cette grande actrice à la saga. Avec le rôle de M qu’elle a tenu pendant 7 films, c’est toute la franchise qui a évolué. Nous revenons sur sa contribution en deux articles proposés initialement sur Des jamesbonderies… entre autres.
Elle s’appelle ‘M’. D’aucun disent que son vrai nom serait Barbara Mawdsley. Mais elle nous ferait exécuter si nous répétions ne serait-ce qu’une seule syllabe de son identité privée. Lors des auditions publiques de 2012 portant sur la sécurité des agents de sa Majesté, et de l’action du MI6, la patronne du MI6 reste anonyme devant la Coure, alors que chacun de ses juges est identifié clairement par leur nom posé devant eux.
De Goldeneye à Skyfall, M jouée par Dame Judi Dench aura incarné le MI6 dans toute sa fougue, sa perspicacité, et souvent son humour. Skyfall marque la 16e et dernière année de Bond et loyaux services de cette femme forte, l’histoire lui permettant de tirer sa référence avec dignité. What do you say about a Woman like that ? Et bien l’on parle se son rôle essentiellement féminin, on raconte sa modernisation de l’univers Bondien à l’époque de Pierce Brosnan, on décrit la figure maternelle qu’elle incarne dans les années Craig, et on célèbre ce personnage qui a radicalement changé le visage de la saga.
Un article hommage en deux parties donc : le rôle de M dans la saga, et l’évolution de son personnage.
‘M’ pour Modernisation
M succède en 1995 à ses deux prédécesseurs masculins incarnés par Bernard Lee et Robert Brown. Ces emblématiques figures britanniques étaient sérieusement établies dans les films de James Bond, et ce dès 1962. M par Bernard Lee, c’était un sempiternel bureau : qu’il soit au cœur des locaux de Universal Exports, au fond des pyramides, aménagé dans un sous marins ou défiant les perspectives dans l’épave du Queen Elisabeth, M était caractérisé par la constance du décors. La même scène se rejouait sans cesse, Bond prenant ses fonctions devant un M réprobateur, mais conciliant vis à vis de 007. Robert Brown fait évoluer un peu le personnage en se rendant plus souvent à la rencontre de Bond, en RDA, à Paris, ou même aux Bahamas. À une époque où Bond à la bougeotte, le patron du Mi6 se doit d’être plus mobile, mais laisse James Bond « jouer les cavaliers seuls » (Octopussy) chaque fois que son agent en a besoin.
Et voilà qu’en 1995, M chamboule tout. Son bureau est résolument moderne, elle change jusqu’aux boissons et peintures marines instaurées par les précédents patrons. Son environnement ne cesse de se moderniser, mais elle semble toujours y être comme chez elle : Elle envahit les salles de réunion de crise (TND / DAD), elle s’installe sans soucis dans le château écossais de TWINE avant de se rendre sur le terrain pour débriefer elle-même Bond (DAD). Avec le temps, les décors deviennent high-tech. Des centaines d’ordinateurs remplissent son bureau (QOS, Skyfall) d’où elle suit en direct les activités de 007. Il arrive au MI6 de se faire discret, mais le bunker de Churchill et la station de métro désaffectée restent aussi British que l’accent de Lady anglaise de M.
‘M’ pour Mouvement
M devient aussi un personnage davantage lié à l’intrigue. Son rôle ne consiste plus à seulement mettre le sort du monde entre les mains de 007, mais elle passe au centre des intrigues : elle s’oppose à ses supérieurs de l’armée et rentre en conflit avec la CIA à mainte reprise, toujours confiante en s’appuyant sur l’action de son meilleur agent. Elle est connue jusque dans les milieux mafieux de Saint-Pétersbourg. Elle rentre également directement en contact avec ses ennemis : elle est au cœur de l’intrigue du Monde ne suffit pas, devenant la victime des plans mégalomanes des vilains, et son passé devenant la source des attaques terroristes qui ont lieues dans Skyfall.
M devient ainsi un personnage clé des aventures de 007, et non l’arbitre qui ouvre et clôture les missions. Outre le fait qu’elle est amenée à s’impliquer directement sur le terrain (Le monde ne suffit pas restant un modèle exposant les ressources et la sagacité du personnage), elle devient aussi un interlocuteur privilégié du personnage de 007. À son contact, Bond se remet en question et doit sans cesse justifier son actualité.
C’est en le traitant de dinosaure sexiste et misogyne, de relique de la guerre froide, que James joué par Brosnan prouve sa capacité à s’adapter à son époque. C’est en lui affirmant que le monde change (dans DAD et QOS) que Bond a l’occasion de prouver que « Some things have to be done the old way ». La femme du MI6 stimule Bond, le met face à ses contradictions et son rythme de vie (en le forçant à reconquérir Paris Carver dans TND, ou en critiquant son jugement (dans CR). Ce dernier n’en revient que plus triomphant (séquence London’s Calling de DAD) ou plus performant (venant à bout de ses démons dans QOS). Casino Royale en est un exemple typique : M critique Bond du début à la fin du film, mais à chaque fois de façon plus modérée. Elle finit ensuite par adouber le jeune agent en lui déclarant qu’elle a besoin de lui au Mi6, alors qu’elle menaçait de le virer au début du film.
Skyfall ne fait pas exception à la règle, Bond s’avouant trop vieux pour le job quand la patronne lui rétorque de parler pour lui même. C’est sous son regard que Bond se remet à l’entraînement.
‘M’ pour Modèle
Après 16 ans et 7 films, on ne se rend sans doute pas assez compte de l’importance qu’aura eu M sur l’évolution de la franchise. Outre son rôle dans les aventures de 007, sa fonction dans les transitions entre les films est essentielle.
On a déjà vu comment elle a permis, en faisant réagir l’agent incarné par Pierce Brosnan, d’actualisé le personnage à l’époque moderne des années 1990. À son contact, 007 montre qu’il est certes vintage, mais plein de ressources. Cela se prouve jusque dans Meurs un Autre Jour où Bond est près d’être envoyé à la retraite, M déclarant qu’il n’est « plus utile à quiconque ». Le suite de l’aventure prouvera le contraire, et M finira par réengager Bond, au grand plaisir de l’agent exilé.
Son rôle est encore plus primordial dans Casino Royale. Retournons en 2006. Tous les éléments de la saga sont dynamités. Bond n’a plus rien de snob, les gadgets sont à la trappe, Q et Monneypenny oubliés, Bond est blond bodybuildé et assez inhabituel. Son personnage n’est entièrement bondien que par moments (notamment le final ou certains moments au Casino), mais il est le plus souvent perdu, déstabilisé, torturé ou amoureux. Face à tous ces repères qui se reforment lentement, que nous reste-t-il ? La réponse tient en une seule lettre.
M fonctionne dans Casino Royale comme le seul repère que le spectateur a avec les vieux films. Son jeu n’a pas changé. Elle est toujours la patronne inébranlable et charismatique du MI6. Elle ne se laisse aucunement décontenancée par Bond, et se montre peu conciliante vis à vis de ses fantaisies. Mais c’est aussi elle qui sait mieux que le spectateur ce dont Bond est capable, et c’est à son contact que le jeune agent devient moins incontrôlable et plus stable.
Le personnage de M sert donc à établir une certaines continuité dans un film qui reprend au fur et à mesure ses marques. Alors que QOS et Skyfall reviendront sur l’héritage bondien, M deviendra en même temps le dernier vestige de la première saga, constante depuis 1962, et qui repart à zéro depuis Casino Royale.
Ce n’est que rétrospectivement qu’on se rend compte de l’influence de M dans la construction des films. L’histoire de la franchise s’écrit au fur et à mesure des films, et M occupe une place essentielle dans la définition du personnage.
Mais la grande réussite du personnage de M, incarné par la formidable actrice qu’est Judi Dench, c’est que alors que sa fonction dans les films reste la même (incarner la patronne de Bond, devant qui l’agent doit rendre des comptes), le personnage lui évolue. C’est ce dont parle la suite de cette chronique que nous publierons demain.
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