La chute du mur de Berlin et l’écroulement de l’URSS auront été une étape importante dans la saga des films James Bond. 5 ans d’attentes ont été nécessaires pour que 007 réapparaisse sur les écrans avec un nouveau visage et un nouveau style. En 1994, Goldeneye ne se prive pas de l’occasion pour rappeler que le monde a changé, sans pour autant que Bond ne perde son aisance.
Aujourd’hui, la période Brosnan fait partie de l’histoire. Pierce a plus de 60 ans, Skyfall a imposé un James Bond terre à terre et brutal, alors que le Bond des années 1990 était relativement léger dans des aventures tombant facilement dans l’extraordinaire. Si ces quatre films sont vus aujourd’hui comme un excellent film (Goldeneye) suivi de trois productions commerciales, ces quatre James Bond ont cependant constitué un pont vers les types d’aventures que 007 vivra au XXIe siècle. Cela se retrouve notamment, dans les intrigues, les thèmes et les destinations. Voici un petit panorama de cette évolution.
Avant Pierce et après Brosnan
Si le schéma bondien et la trame des aventures restent globalement les mêmes, certains aspects et éléments des films ont bien changé entre le moment où Pierce Brosnan saute du barrage russe, et celui où il quitte le smoking
Les films allant jusqu’en 1989 n’ont pas toujours porté sur les relations Est-Ouest ou la guerre froide. Mais la détente servait la plupart du temps de fond historique. Certains personnages récurrents comme le général Gogol ou Félix Leiter étaient là pour représenter ces puissances historiques entre lesquels la Grande Bretagne évoluait.
Les intrigues, quant à elle étaient caractérisées par un cadre historique plutôt stable : tous les pays cherchaient la paix dans le monde, et un personnage déviant ou marginal essayait de profiter de ce système opposant deux grandes puissances pour le faire exploser politiquement (les traîtres du type Orlof), économiquement (les mafieux types Sanchez) ou tout court (les fanatiques du type Stromberg).
Les personnages étaient tous clairement étiquetés et associés à des camps bien identifiables, et Bond voyageait grosso modo dans des zones « tampons » généralement inexistantes politiquement, ou sous influence d’un bloc (à l’exception des USA bien sûr). À noter aussi que l’ennemi cherche la plupart du temps, soit à déclencher la guerre entre les deux blocs, soit à faire s’écrouler l’un d’eux (les USA pour Kananga, la politique de l’URSS pour le général Orlof).
Un Bond vers aujourd’hui
Observons maintenant les nouveaux schémas qui se dessinent dans les trois derniers Bond (ceux avec Craig) : il n’y a plus aucune force résultante de la guerre froide. Le monde dans lequel Bond évolue est radicalement moderne, sans jamais convoquer d’anciennes puissances déchues. On retrouve certains vestiges de cette époque comme le DC3 dans QOS, mais la guerre froide est définitivement de l’histoire ancienne (au grand regret de M). Les russes, canadiens américains et japonais s’affrontent pour de l’argent à la même table de poker, quand ils ne conspirent ensemble pour les ressources du tiers monde (Quantum of Solace). De leur coté les chinois sont bien trop occupés par leur succès économique (cf l’a façon dont est filmée Shanghai dans Skyfall) pour se soucier des assassins dans leurs villes ou des terroristes cachés dans les îles de la mer de Chine.
Les personnages comme Leiter sont dorénavant des personnages résolument modernes, fermement ancrés dans le monde contemporain. Les ennemis de Bond sont maintenant des terroristes ou des hommes d’affaires dont les nouvelles armes sont la bourse, ou les droits de propriété sur l’eau. Ils sont clairement intégrés au système, et tentent d’en profiter un maximum plutôt que de le réduire en poussière. Leurs repères échappent aux grandes puissances, leurs nouveaux objectifs ne sont plus du tout planétaires. Au contraire les ennemis conspirent pour de l’argent en des points précis (des guérillas africaines aux pays latino américains) ou pour des buts strictement personnels : la vendetta de Silva par exemple est dirigée personnellement vers M, sans qu’il essaie de faire s’écrouler la puissance chinoise ou l’Angleterre pour montrer sa hargne (au contraire de Alec Trevelyan).
Entre la période Moore-Dalton, et celle de Craig d’aujourd’hui, les aventures de Bond sont loin de présenter les mêmes caractéristiques, et les éléments récurrents des films n’ont plus grand chose à voir avec ceux d’il y a 20 ans. Cela est du à 4 films, situés à cheval entre ces deux mondes et emmenés par Pierce Brosnan en 007, qui ont permis que les missions de Bond s’inscrivent dans un cadre géopolitique radicalement différent et avec de nouveaux enjeux.
À travers 3 articles, nous allons donc voir comment les films de la période Brosnan vont effectuer cette transition en articulant d’une part les habitudes et les schémas des anciens films de James Bond, et d’autre part la modernité et les nouvelles technologies qui font rentrer Bond dans le 21e siècle. On se rendra compte alors que malgré leur aspect commercial, les films de la période Brosnan offrent une certaine constante, dans la façon dont ils mixent les vieux pouvoirs hérités de la guerre froide en les confrontant à de nouveaux contextes, pendant que les nouvelles forces modernes profitent et répètent certaines recettes typiquement bondiennes.
Si la saga de Craig a pu briser des codes avec Casino Royale, et proposer une certaine nostalgie des intrigues bondiennes cultes en les réactualisant, c’est sans doute grâce à la période Brosnan qui a préparé le terrain, fait survivre Bond à la guerre froide et l’a rendu toujours d’actualité dans le monde ultra moderne du XXIe siècle.
Mais assez d’introduction. Préparez vous à revenir sur cette décennie Brosnan avec une exploration des évolutions qu’elle a apporté à la saga, à travers les destinations, les personnages et les équilibres technologiques.
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