Il est temps de terminer cet article que j’avais commencé il y a un bout de temps à propos des bandes annonces de James Bond, et de leurs évolutions. Nous avions déjà vu comment étaient construites les anciennes bandes-annonces, puis comment celles de la période Brosnan avaient modernisé à part entière ces visuels. Les teasers et trailers des deux derniers Bond apportent une étape supplémentaire à cette évolution et sont construits de manières similaires.
Les Teasers
Pour les visualiser : Casino Royale ; Quantum of Solace
Esthétique Bondienne
L’avantage des James Bond sur les autres films est qu’il n’y a pas besoin de présenter l’intrigue dans le détail, de décrire le cadre où se situe l’action ou de dire qui est le personnage principal. Depuis le temps, le spectateur est déjà au courant et sait à quoi ressemble un James Bond. La bande annonce vise donc à donner envie, d’une part de revoir ce personnage, et d’autre part de découvrir sa nouvelle mission.
Pour cela, il faut donc axer sur l’introduction de Bond, et sur la promesse d’aventures, ce à quoi s’ajoute un soupçon d’originalité dans l’ambiance ou l’intrigue, pour différencier ce film des autres. C’est ce à quoi tendent les teasers qui vont jouer sur le fait que le spectateur connaît déjà un pan du film, et se fait donc complice de la construction de la scène. Bien sûr, celui-ci va se dire, « C’est encore un James Bond, et j’imagine bien ce à quoi ça ressemble. » Mais les bandes annonces vont tenter d’exciter sa curiosité, et faire que même celui qui connaît Bond, ait besoin d’en apprendre davantage. Cela contraste avec les bandes annonces traditionnelles qui présentent en premier lieu le personnage principal et ce qui lui arrive, de façon à ce que le spectateur comprenne à quel genre de film il a affaire.
Construction
Les teasers visent à donner un aperçu de l’ambiance, et commencent donc à présenter justement cette atmosphère (au contraire de celles de Brosnan qui, sur des fonds numériques bondiens annonçaient par une voix off l’arrivée de 007, un peu comme un présentateur avant l’ouverture d’un rideau).
Le spectateur se retrouve donc dans ces bandes-annonces face à une atmosphère moderne mais inquiétante, avec une esthétique particulière. Pas de sujet à l’écran, mais des décors, des personnages de dos, ou des personnages très rapidement aperçus. Sur cette mise en scène plutôt subjective, des commentaires d’une conversation déjà entamée s’entendent, décrivant la personnalité du héros qu’on commence à deviner. On entre-aperçoit Bond en action, entrecoupé par des plans plus lents.
Finalement, quand le spectateur sur son siège s’apprête à dire à son voisin : « Eh ! C’est James Bond non ? » Celui-ci apparaît enfin, face à la caméra ou presque, et sortant une réplique toute stylée 007 (« Les doubles zéro ont une espérance de vie des plus limitées » / « You don’t have to worry about me » ).
À partir de là, un plan de James Bond en action (Bond qui se retourne et tire, ou Bond qui s’envole sur sa moto) ouvre un festival d’action rapide. On n’espère pas comprendre quoi que ce soit au délire d’action qui se déroule sous nos yeux : ça va beaucoup trop vite. Mais en revanche, on peut facilement voir que c’est du pur Bond : démesure apparente, jolie filles, scènes d’action inédites dans la saga (vue d’une poursuite en bulldozer, ou en avion).
Musique
Si vous prêtez l’oreille à la bande-son des autres bandes annonces, vous verrez que d’entrée de jeu, on nous donnait le James Bond thème, ou un de ses dérivés pour annoncer Bond. Le son dans ces teasers se fait beaucoup plus neutre, et n’annonçant rien de particulier. C’est juste à partir du moment où Bond est révélé que le Bond thème s’envole. Et pas n’importe quel thème ! Il s’agit d’une interprétation ultra-dynamique et rythmée, avec des instruments marquant les temps forts de cette musique, et poussant l’intensité jusqu’à être chanté par des chœurs (première fois dans la saga), avant de s’interrompre en apothéose.
À ce moment, la phrase conclusive de James bond thème normal prend la place pour nous donner à savourer le logo OO7 venant directement d’une action bondienne. Une façon de dire : « Tout ça, c’est James Bond, du vrai, en pleine forme, et avec Daniel Craig qui est déjà en action ». Il ne reste plus qu’à annoncer le titre du film (cerise sur le gâteau), et le logo qui se métamorphose en date, comme pour nous inviter à rejoindre cet u niversce jour là.
Faisons le lien !
Ces teasers se différencient encore de ceux de la période Brosnan, car Bond n’est pas introduit directement par des actions bondiennes, ou par l’annonce de sa silhouette. Vu par le spectateur, Craig est encore relativement nouveau. S’il apparaissait d’un coup en parlant au spectateur, on ne serait pas follement excité. Si on nous annonçait sa venue, on en aurait rien à faire vu que malgré sa classe, on a déjà plein de héros moins scintillants, mais plus efficaces et mouvementés que Bond (Bourne, etc…). Ce sont donc des instances plus légitimes qui l’introduisent.
Qui est mieux placée que M pour ce boulot ? On l’adore depuis les 4 ans où elle est à l’écran. Comme pour Bond, elle est un peu la mère, le repère, le maillon toujours présent de la saga moderne. Judie Dench est fiable, est une clé de l’univers bondien, et est inébranlable malgré les reboots, l’actualité et les acteurs sans cesse changeants. Elle est presque la seule qui a le droit d’introduire et de s’adresser à Bond directement. En plus de ça, en guise d’introduction, elle lui fait des reproches auxquels Bond répond du tac au tac. N’oublions pas non plus Mr White, qui au même titre que M, occupe une place clé : le méchant qu’on adore détester, et dont on attend toujours de voir comment il va se faire définitivement éliminer. Ces personnages typiquement bondiens permettent ainsi de faire la liaison avec un bond qui lui, n’est pas encore fixé dans le paysage.
Les Trailers
Pour les visualiser : Casino Royale / Quantum of Solace
Comme toujours, les trailers sont moins originaux, plus longs, et révèlent pas mal (ou trop) de scènes du film (le prégénérique et le crash de l‘Aston pour CR, la chute à travers le dôme de verre et le tir final de cette poursuite dans QOS). Elles restent cependant orignales par rapport à leurs contructions.
Introduction de Bond et de l’utilité du film
Tout deux commencent par nous présenter Bond, à qui l’on pose des questions sur son caractère et sa profession : est-ce qu’il va se venger ? A-t-il déjà tué ? Est-il concentré sur sa mission ? Pas besoin de lui dire qu’il n’est pas sage comme dans les teasers. À ces remarques, Bond répond en affichant son caractère : capable de tirer et de tuer, capable d’endosser une fois de plus son smoking, et cela même s’il fait un peu la gueule (QOS) ou est dissimulé dans l’ombre (C.R.). À cela s’ajoute le statut de cette nouvelle mission : comment James est devenu Bond d’une part, et la suite de la précédente mission de l’autre. La transition est très claire puisqu’on reprend des éléments faisant clairement allusion à son métier, ou au film précédent (flashbacks, dialogue avec Mr White, etc).
Introduction des personnages
Maintenant que Bond est présenté, c’est au tour de tous les personnage d’être introduits. À cette fin, cela se fait à grand renfort de clichés sur fond de musique tout à fait bondienne : le méchant a l’air très méchant et en pleine action, la James Bond Girl a l’air d’avoir de la répartie, les alliés sont là et assistent Bond (Mathis dans C.R., Leiter dans QOS et M dans les deux). Tout cela est entrecoupé de plans d’actions où tout explose de façon bondienne. Cette séquence sert clairement à montrer que le film a tous les ingrédients propres à une mission de 007.
Bond a des sentiments, mais reste 007
Sans avoir peur de révéler des morceaux du film, la bande annonce montre ensuite qu’à ces éléments bondiens s’ajoute un Bond qui a des sentiments : amoureux dans C.R. avec la déclaration d’amour intégrale, en deuil de Vesper dans QOS avec sa discussion avec Camille. Mais on ne s’arrête pas là car ces moments émouvants sont encadrés de menaces ennemies se rapprochant (kidnapping de Vesper, menaces de Le Chiffre, voitures ennemies en approche). Cela permet d’introduire le grand délire final ou le Bond thème qui avait encore de la retenue passe à sa forme originale et énergique. On y brasse alors tout ce qui est nécessaire pour nous griller les neurones avec un festival d’action et de répliques chocs, avant de terminer avec une cascade (tonnaux de l’Aston ou tir au bout de la corde), et un logo titre pour couronner ce résumé, ou cette annonce de James Bond.
Je terminerai cette analyse descriptive par un lien vers cette vidéo qui a monté en parallèle les deux bandes annonces afin de les comparer. Même si son créateur les avoir retravaillées et agencées pour qu’elles s’enchaînent dans le même ordre, on s’aperçoit bien des similitudes.
Casino Royale vs Quantum of Solace
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