Après avoir assisté à la conférence internationale de Saarbrüecken sur James Bond, j’ai commencé aujourd’hui le livre James Bond 2(007), anatomie d’un mythe populaire. Cet ouvrage est le résultat d’une autre conférence qui avait eu lieu à Paris cette année là, sur le thème de James Bond.
Deux conférences donc, chacune d’elle à vocation internationale, chacune d’elle conduite par des universitaires, chacune d’elle abordant le phénomène bondien sous l’angle des sciences culturelles, mais également sociologiques, politiques, littéraires, etc. Pourtant, à la lecture des premiers chapitres de ce livre, ce sont deux approches différentes, mais complémentaires qui se font jour.
Malgré la diversité des thèmes et sujets traités, il y a une dominante dans l’approche de James Bond 2(007). La plupart des analyses mettent en regard des éléments bondiens (l’écriture de Fleming, les génériques, les producteurs, le rôle de James Bond…), avec le succès de la série. Souvent les articles essaient de comprendre en quoi ces éléments renouvelés ou non dans la saga ont rencontré les attentes du public, ont été en phase avec leur époque, et ont été perçus par les critiques. On peut donc dire que la plupart des papiers s’intéressent à la construction des Bonds, ainsi qu’à leurs réceptions. Les grandes parties du livre en témoignent :
- Ian Fleming, créateur d’un mythe populaire : on voit comment l’attrait pour Bond s’est construit, a rencontré différent publics ;
- My name is Bond, James Bond : on y retrouve des études sur la composition du personnage de 007, et comment elle fascine ou attire le public, est conditionnée par les stars, ou la façon dont est présenté Bond ;
- L’univers Bondien : des éléments particuliers de l’univers bondien étudiés dans leurs évolutions, leurs interactions et leurs symbolisations ;
- Série milliardaire et protéiforme : du point de vue de la production, de l’économie et des adaptations…
La dominante de la conférence de Saarbrüecken n’est pas la même. L’approche est ici rangée sous le terme de « culture » (où l’on peut mettre quantités de choses). Dans les papiers qui ont été présentés, on a plutôt vu des analyses sur James Bond, à travers le prisme d’une discipline universitaire. On a ainsi eu la psychologie pour étudier la relation de M à Bond, l’éclairage d’une spécialiste de Shakespeare pour décrypter l’écriture de Fleming ou encore le comportement de Bond, et la présentation de son corps, à travers les Gender’s studies (l’étude des genres). On se situe alors plutôt l’interprétation et la décortication des œuvres, et leurs évolutions dans le temps. Là encore, les axes de réflexion reflètent cette approche différente :
- Bond a voyagé : les rapports de Bond à l’espace et aux différents médias ;
- Bond est différent : les différents corps disciplinaires se sont penchés sur ce qui différencie Bond et son univers du commun des mortels ;
- Bond, cultures & politiques : les interactions entre Bond et ces différents champs ;
- Bond est un gros business : la façon dont Bond se positionne dans les différents contextes, et impose une figure immuable.
Il y a évidemment des exceptions dans chaque cas, chaque conférence ayant abordé évidemment ces thèmes, et plusieurs éléments d’analyses se retrouvant d’une conférence à l’autre. L’esprit de l’étude est également semblable puisque chaque colloque s’est posé la question de la légitimité, de la méthodologie, et de l’évolution de l’étude de Bond. Cependant, sans avoir eu connaissance de la conférence de Paris, celle de Saarbrüecken s’est orientée différemment, et la méthodologie même de ces conférences est variable de l’une à l’autre.
Dans le cas de Paris 2007, on retrouve la façon typiquement française de présenter et d’organiser les articles de façons clairement hiérarchisées. On retrouve également beaucoup de réflexions sur les perceptions françaises de Bond, et les aspects symboliques. Il faut dire que les critiques et la presse française ont une conception assez renfermée de la culture populaire, ce qui donne beaucoup de matière à penser en terme d’analyse sociologique et de légitimité culturelle. La façon même de présenter les articles se fait dans un jargon très scientifique, et en convoquant beaucoup d’exemples de différents domaines bondiens, ou de travaux qui en traitent.
La conférence de Saarbrüecken semble plus hétéroclite, puisque chaque approche propose un filtre spécifique et va chercher ses exemples dans les domaines propres à chaque approche, pour les mettre en relation avec des cas des films. De plus, le colloque présentait aussi des notes de lectures d’auteurs ayant abordé différemment le phénomène 007 (James Chapman a ainsi présenté les 5 présentations de Bond dans les différents Casino Royale, Andrew Lycett a exposé certains aspects de sa biographie de Fleming, et Christoph Linder a parlé des différentes approches universitaires qui se sont combattues autour de l’objet d’étude qu’est Bond).
À cela s’ajoutent des ateliers spécifiquement orientés sur des cas particuliers tels que l’analyse du livre James Bond contre Dr No, ou la masculinité et l’action avec Craig. En majorité, chaque exposé part de sa discipline ou d’une approche spécifique pour s’intéresser à Bond.
C’est alors que la mise en relation de ces deux conférences devient intéressante. En effet, du coté de Saarbrüecken, les présentations (malgré l’intelligence indéniable de ces papiers) manquaient souvent de réflexion sur la réception, et sur la façon dont sont perçus les éléments étudiés sur le public. La discussion était en quelque sorte, souvent limitée aux discussions universitaires sur l’interprétation qu’on peut faire de tel ou tel film, et tel ou tel aspect. Or, pour étudier une culture populaire, je pense qu’il faut éviter de négliger la perception par le public. Du coté de James Bond 2(007), je n’ai pas encore lu tous les chapitres, et préfère éviter de tirer des conclusions hâtives. Mais le regard des autres domaines non spécialisés dans James Bond,et qui se sont penchés sur la question en Allemagne, permettrait à mon avis, d’enrichir ces papiers très centrés sur Bond, afin de toujours remettre 007 en perspective des différents contextes , aussi variés soient-ils.
C’est à cette synthèse que j’aimerais m’exercer sur ce blog, et vous inviter également à participer. L’autre raison est aussi que certains chapitres de James Bond 2(007) traitent avec excellence et perfection certains thèmes sur lesquels j’aurais voulu écrire. Ainsi, ça fait longtemps que je voulais traiter de la légitimité culturelle accordée à Bond par les critiques. Mais le chapitre de Françoise Hache-Bissette, Fabien Boully et Vincent Chenille, ainsi que celui de Loïc Artiaga couvrent exactement tout ce que j’avais à dire. Je sens que les autres articles qui m’attendent risquent d’exposer aussi beaucoup de thèmes que j’aurais voulu aborder.
Je change donc mon fusil d’épaule pour ces thèmes et vais esssayer d’enrichir, complèter, reformuler, illustrer ou donner mon avis selon le cas à ces analyses, afin d’éviter de formuler avec des mots inappropriés, ce qui a déjà été dit pertinemment. Il en va de même pour la conférence de Saarbrüecken. Faute d’être un expert, je peux toujours essayer de lier ou articuler ces deux approches plus que complémentaires !
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