Voici une question clé à la veille de la sortie de Quantum Of Solace. 21 films se sont succédés depuis 1962, et pas une seule fois, nous n’avions eu le droit à une suite directe ou indirecte. Oh, bien sûr, il y avait des allusions aux autres films, des personnages communs, mais l’intrigue d’un épisode n’était jamais la conséquence directe d’un autre. Ils étaient indépendants. Quelle place la suite peut-elle conférer à James Bond ?
L’indépendance des épisodes : la force de la saga ?
D’après mon analyse, c’est justement parce que les films ne se suivent pas au niveau de l’histoire, que la franchise bondienne a pu vivre aussi longtemps.
Il suffit de regarder tous les films qui ont eu le droit à une suite. Aucun d’eux n’a jamais duré plus de 3 épisodes en moyenne (le maximum à ma connaissance étant la saga Star Wars). La raison est que, soit l’aventure amorcée dans un premier film arrivait à sa conclusion (c’est le cas, entre autre, de Pirates des Caraïbes, ou Star-Wars), soit les aventures diverses qui accompagnaient le héros avaient à peu près exploré toutes les dimensions et toutes les possibilités scénaristiques du personnage, en faisant le tour de sa personnalité. C’est le cas de, parmi tant d’autres d’Indiana Jones, des Die Hard, ou encore de l’homologue de 007 : Jason Bourne. Arrivé à ce stade, on ne peut pas faire un film sans tomber dans la redondance, ou alors il faut réorienter le héros dans un autre registre : quelque chose de radicalement nouveau (ex : Terminator 4 qui va enfin se passer dans le futur) ou de rétrospectif : Indiana Jones 4, qui présente l’archéologue vieilli et nostalgique.
Ce n’est pas le cas des James Bond. Au contraire de ces films là, chaque épisode reprend à peu près le même schéma, la même intrigue, les mêmes thèmes autour du personnage, mais en faisant varier les registres. Cela ne veut surtout pas dire que les Bond sont tous pareils (voir cet article ).
Chaque film se fait autour d’une variation plus ou moins ambitieuse des incontournables de la saga. Le personnage de l’agent secret, constant dans ses habitudes, affrontera une situation sans cesse nouvelle. De cette façon, les films peuvent se renouveler, sans épuiser le champ des possibilités. Évidemment, il faut parfois changer son fusil d’épaule, et ré-aborder la saga différemment (voir l’article : Ruptures et Continuités), mais cela tient Bond en vie, et toujours jeune.
Pourquoi une suite maintenant ?
Si on considère Casino Royale, on peut le mettre au même niveau que ces prédécesseurs. Pourquoi ? Parce que même s’il refonde le personnage à partir de son accession au grade de 007, il présente tout de même une mission de l’agent. L’intrigue est plus mouvementée, Bond prend du temps à acquérir la classe bondienne, le personnage est plus vulnérable, mais il reste l’agent de toujours (enfin… il devient l’agent de toujours) et remplit sa mission de A à Z. La relance de la saga en fait peut-être une exception, mais c’est juste un épisode exceptionnel. On pourrait concevoir sans problème une nouvelle mission indépendante à la suite.
Pourquoi donc nous mettre une suite ? La raison que je vois, est que les producteurs ou le réalisateur, ont envié les autres séries de films « à suite ». Si elles ont une durée limitée, elles ont des records d’entrées qui boostent le box-office. Or, Casino Royale fournit plein de nouveaux éléments « frais », facilement exploitables dans le cadre d’une suite, et sur lesquels on peut rebondir efficacement. Le succès en terme d’entrées du film est une raison de plus à poursuivre dans ce registre. Après tout, pourquoi revenir au rythme de croisière bondien si le public accueille favorablement un Bond présenté comme torturé, vulnérable, bref, plus dans la lignée des « anti-héros » d’aujourd’hui ?
Il suffit donc de tirer un trait sur l’avènement de Bond au grade d’agent 00, et de reprendre dans son histoire de quoi broder une nouvelle intrigue, en reprenant le caractère rebelle de ce Bond et en prolongeant une fin qui avait un goût amer. Bref, d’initier une suite, voire une trilogie, en dehors du schéma traditionnel qui avait duré pendant 46 ans.
La saga dans un virage risqué
Sans aucun doute, le film va être un bon crû. L’univers de Bond est tellement large qu’on peut démultiplier les possibilités scénaristiques par 10, si l’on s’écarte un peu des bornes bondiennes clairement établies.
Le risque viendra plutôt à long terme. Une fois que les réalisateurs se seront bien éclatés à tourner le personnage de Bond dans toutes les directions, à tordre le cou aux usages cinquantenaires, on va arriver dans le travers de toutes les trilogies : que faire maintenant ?
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Pousser Bond plus loin encore l’éloignera du statut du héros de la saga, et n’aura plus de 007 que le matricule et le nom. On arrivera sans doute à une impasse où Bond ne pourra plus évoluer sans se casser la figure ;
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Revenir au rythme de croisière des 20 autres films ? Difficile dans un siècle où il faut être sans cesse innovant, et où le public va renâcler à revenir à une intrigue moins mouvementée que celle initiée par Casino Royale et Quantum.
Les solutions qu’il reste pour que Bond ne meure pas, que la saga ne se dilue pas dans des directions éloignées du mythe bondien, p euvent à mon avis se résumer à ceci :
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Soit la suite-QOS, ou le prochain épisode arrive à concilier les normes bondiennes passées avec la modernité, le mouvement et le rythme actuel ;
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Soit la production prend le parti d ‘une nouvelle saga, dont la charnière avec l’ancienne sera Casino Royale. Les aventures de Bond qu’on nous présentera seront très éloignées du principe des 20 autres films. Mais avec une habilité dont la production est sûrement capable, cette nouvelle saga peut recueillir un engouement populaire, différent de celui qui caractérisait la saga originelle.
On devrait être fixé vendredi, sur l’orientation que prendra la production.
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