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James Bond au coeur des Relations Internationales – épisode 2

 Élisa Vera s’est un jour rendue compte qu’elle n’avait jamais vu un James Bond en entier. Décidant de rattraper son retard, le voyage qu’elle a pris l’a amenée à rédiger un grand article intitulé

On Her Majesty’s Secret Service : James Bond dans les Relations Internationales

Elle y aborde l’agent secret au milieu d’un monde conflictuel, les rapports des films aux pays et grandes puissances, et elle explore les menaces que Bond affronte à travers les vilains de la saga. C’est le deuxième épisode, et ce sont les méchants au cœur des relations internationales (cliquez ici pour la première partie).

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Les ennemis dans le monde de 007

L’ennemi russe ?

Les États sont rarement les grands criminels des relations internationales dans le rapport des films à l’ennemi. Dans l’immense majorité des films, n’ennemi n’est pas l’URSS. Dans les quelques cas où le « méchant » fait partie du bloc soviétique, il s’agit de membres qui agissent pour leur propre compte, y compris au détriment de leur patrie. En effet, au début le SMERSH, l’organisation de contre-espionnage soviétique, qui a réellement existé durant la II Guerre Mondiale, est l’ennemi principal du MI-6. Néanmoins, déjà à partir de son deuxième film Bons baisers de Russie, Rosa Klebb, ancien agent du SMERSH, s’associe à SPECTRE, l’organisation criminelle récurrente dans les films et qui, par hasard, a son siège à Paris. De plus, si bien SMERSH est parfois mentionné dans les films des années 1960, il n’apparait jamais.

De manière opposée, SPECTRE n’a pas une nationalité précise : quelques éléments ont une connotation soviétique, mais jamais de façon explicite. Par exemple, son leader Ernst Blofeld, est d’origine polonaise selon Fleming, mais dans les films, les différents acteurs qui ont joué son rôle avaient des accents slaves très différents. Un autre signe qui pourrait nous faire croire à une tendance plutôt soviétique est l’uniforme de Blofeld, qui apparaît toujours habillé avec une veste de style militaire à col mao. De cette façon, SPECTRE met de facto les deux blocs pratiquement au même niveau : il représente un ennemi commun. L’URSS n’est pas démonisée, même si comme dans On ne vit que deux fois (1967), les deux blocs s’accusent et la tension, toujours évidente entre eux augmente ; une tension qui est recherchée et mis à profit par  le SPECTRE. L’ennemi comme ancien communiste traitre à son pays est assez récurrent. Dangereusement Vôtre (1985) part de ce même principe, avec Zorin, un agent du bloc soviétique infiltré qui désobéit les ordres et avoue « Je ne me considère plus comme un agent du KGB ».

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Toutefois, la Guerre Froide n’est pas seulement percevable explicitement dans les missions de Bond, mais aussi dans l’image même du bloc occidental. Ainsi, la production des films manifeste des effets spéciaux et une capacité technologique typiquement hollywoodienne. De plus, le style de vie du 007 entourée de luxe, voitures, voyages, montres et femmes voluptueuses peut être considéré une propagande capitaliste, un moyen soft-power extrêmement efficace.

Durant la période Roger Moore, la communication entre les deux blocs devient plus récurrente et la Détente est spécifiquement nommée. Aussi bien dans L’espion qui m’aimait (1977) que dans Rien que pour vos yeux (1981), on assiste à une relation moins tendue entre le MI6 et le KGB. Dans le premier film, deux phrases sont particulièrement représentatives de cet esprit : « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de coopération anglo-soviétique », « Détente indeed ».

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La première a été prononcée par le General Gogol qui, entre 1977 et 1987 aura un rôle plutôt pragmatique et pacificateur au sein de l’URSS et exprimera l’idée que la destruction du monde et la tuerie ne sont pas justifiables et travaillera conjointement avec M lorsque nécessaire d’une façon très conviviale. De même, James Bond lui adresse une phrase très significative : « C’est la Détente, Camarade. Vous ne l’avez pas, je ne l’ai pas » en 1981. Dans ces cas, le téléphone rouge est toujours visible, mais en 1977, pour la première fois la communication avec le Kremlin est mise en scène. Même en 1985, une espione du KGB déclare, non sans ironie, « Détente can be beautiful » et cette relation presque amicale se confirme à la fin du film, lorsque Gogol octroie à James Bond la médaille Lénine, tout en précisant qu’elle n’avait jamais été donnée à un citoyen non-ressortissant de l’URSS. En revanche, Tuer n’est pas jouer (1987) présente un changement avec le remplacement de Gogol, qui part à la retraite, par le Géneral Pushkin, qui hait la détente. Cette affirmation est en fait une fausse accusation : encore une fois, le vrai ennemi n’est pas le bloc soviétique en tant que tel, mais un agent rebelle qui utilise la fausse menace de Pushkin pouvant déclarer l’assassinat d’espions, sous la prétention qu’il « est malade, comme Staline », comparaison qui est du moins révélatrice de l’évaluation et conscience soviétique de sa propre histoire.

Bien sûr, les films de James Bond ne sont pas le seul témoignage cinématographique qui prend ses distances par rapport à l’image officielle de la Guerre Froide. Déjà en 1964, Stanley Kubrick osait adopter le roman Red Alert et créer une parodie des relations entre les deux blocs avec Dr. Folamour avec beaucoup de succès, mais ce précédent n’enlève pas de la valeur à la vision reflétée par James Bond.

Possiblement, le sommet de cette image presque pacifique de l’URSS a lieu en 1983 avec Octopussy. Une réunion des principaux responsables soviétiques manifeste la division interne. Alors que Gogol se montre réaliste par rapport aux relations avec l’OTAN, le Général Orlov exprime une fierté imprudente et affirme que l’URSS pourrait vaincre le bloc rival en 5 jours, ce que Gogol qualifie de « paranoïa personnelle et d’une soif de conquête ». Ce comité est aussi l’occasion de montrer les courants pacifistes et en faveur du désarmement nucléaire en Europe Occidentale. Malgré son appartenance communiste, Orlov tout comme l’avait fait Klebb agit de façon indépendante. Finalement, le film conclut avec le retour à l’URSS d’un bijou russe, ce qui est fait « dans les intérêts de nos relations anglo-soviétiques ».

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 Evidemment, cette relation relativement cordiale ne met pas en question la gravité de la Guerre Froide. La tension est certainement présente, par exemple dans Opération Tonnerre (1965) ou indirectement dans Goldfinger (1964), éviter la menace nucléaire est l’objet de la mission, mais elle commence à s’essouffler dans les années 1970 pour devenir une rivalité plus qu’un vrai conflit, et l’attention de la scène internationale comprend aussi de nouveaux enjeux. Si les films restent relativement neutres par rapport à l’URSS, ils montrent bien l’ambiance qui caractérise la Guerre Froide.

Étant donné que la Guerre Froide a encadré une grande partie des aventures de Bond, sa fin a été aussi reflétée. Déjà en 1987, l’espion est responsable de la protection d’un responsable du KGB qui fait défection et doit l’aider traverser depuis Berlin Est. Il est intéressant de noter qu’il le fait en utilisant le gazoduc Ourengoï–Pomary–Oujhorod, construit entre 1982 et 1984, et fortement opposé par l’administration Reagan. Si l’effritement de l’URSS est déjà visible, le premier film après sa chute, réalisé en 1995, GoldenEye fait de cet événement majeur le centre de l’intrigue. Par exemple, la séquence d’ouverture montre la chute des symboles communistes (la faucille, le marteau, le buste de Lénine), pour après représenter des silhouettes féminines en train de les détruire. De même, le film montrera un entrepôt contenant ces mêmes symboles. Ce changement de régime semble correspondre à changement d’image plus qu’à la transformation d’un régime. Non seulement James Bond reçoit avec un regard incrédule la phrase « C’est très différent maintenant. C’est une terre d’opportunité » de la part de Xenia Onatopp, mais il affirmera plus tard « Les gouvernements changent, les mensonges restent les mêmes ».

L’essor de l’Asie

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 La fin de la Guerre Froide ouvre un éventail de possibilités pour un nouvel Etat rival sur la scène internationale. Ainsi, Demain ne meurt jamais (1997) explore une tension sino-britannique qui pourrait, selon les personnages, mener à la Troisième Guerre Mondiale, pour un conflit sur la territorialité des eaux autour de la Chine. Il ne faut pas oublier, de plus, que l’année 1997 est particulièrement importante pour la relation entre les deux pays, car le Royaume-Uni a transféré l’administration du Hong Kong à la Chine. De même, l’armée de l’air chinoise est qualifiée de « the world’s largest air force », ce qui permet d’appréhender le rôle croissant de pays et sa capacité de faire face aux puissances occidentales après la fin du monde bipolaire. Plus récemment, Skyfall (2012) fait rapidement et presque indirectement référence à la Chine lorsque M reconnaît avoir rendu un agent du MI6 qui s’excédait dans ses activités aux Services de Renseignement chinois pour des intérêts stratégiques. Les Services chinois l’auraient torturé jusqu’à la folie. Cette image critique du pays montrée dans le film, aussi bien qu’une référence à la traite de blanches à Shanghai, a été suffisante pour que la censure chinoise décide intervenir et modifier les sous-titres ou le doublage pour éviter la mauvaise publicité.

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Outre la position dominante de la Chine, l’Asie présente d’autres défis. Si Le Monde ne suffit pas fait l’objet du pétrole en Azerbaïdjan, Meurs un autre jour (2002) traite un sujet toujours d’actualité : la relation entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, avec une possible volonté de la première de s’étendre au-delà de la zone démilitarisée et du 38e parallèle qui sépare les deux pays. En effet, cette attention vers la région a pu être motivée par l’organisation de la Coupe du Monde de football entre la Corée du Sud et le Japon en 2002. Bien que dans le film, similaire à l’approche envers l’URSS, cette ambition ne surgit pas du gouvernement, mais d’une tendance plus dure, il est intéressant de noter que l’année 2002 a aussi été marquée par un discours néoconservateur de l’administration Bush, qui considérait la Corée du Nord comme l’un des cinq pays faisant partie de « l’Axe du Mal », similaire à l’appellation de Reagan à l’URSS comme « l’Empire du Mal ». Le gouvernement nord-coréen a lancé la même année une série de réformes, qui se voit troublée par l’accusation de mener un programme clandestin d’enrichissement d’uranium.

La chute de l’URSS a provoqué une multiplication des possibles menaces. Même si, comme on le verra, la période de la Guerre Froide n’a pas traité de manière exclusive la tension entre les deux blocs, le changement dans l’ordre international s’est traduit dans une multiplication et une diversification des problématiques traitées.

Prochain épisode : Les menaces
Épisode précédent : James Bond, un héros britannique

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