Mes 16 000 mots de James Bond luttant contre la corruption ont eux-mêmes été corrompus. Comment mon éditrice a ri de l’ironie !
– Steve Cole
Aujourd’hui nous vous partageons un article que Steve Cole a écrit pour The Guardian dans lequel il raconte l’histoire d’un gros soucis qui lui est arrivé pendant la rédaction de Heads You Die…
Nous étions un samedi après-midi lorsque cela est arrivé. J’étais là, tapant avec diligence sur le clavier de l’ordinateur portable, une partie des 26 000 mots de Heads You Die, mon deuxième roman de La jeunesse de James Bond, propulsant mon héros adolescent à travers les rues étouffantes de la Old Havana pour un rendez-vous mortel avec son dernier ennemi, quand… La mort a frappé rapidement et silencieusement. […] L’écran était devenu noir. Mon MacBook était mort. Le ronronnement de son disque dur a continué, comme s’il essayait de traiter cette soudaine mort de l’écran.
J’ai essayé de redémarrer mon ordinateur portable. […] Il a passé les premiers signes du démarrage, puis… Il y a eu certains spectacles que personne ne devrait voir. L’un d’eux est « l’écran gris de la mort » d’Apple, vous empêchant l’accès à tous vos fichiers.
Alors que je frappais le bouton redémarrer à plusieurs reprises, le malaise a cédé la place à la détresse au fur et à mesure que je comprenais les répercussions. Heads You Die avait disparu. Je n’avais jamais configuré Time Machine, le logiciel de sauvegarde automatique de Mac. Je n’ai jamais imaginé mes documents flotter dans l’iCloud. J’avais bêtement pensé que mon ordinateur, qui avait seulement deux ans d’âge, me récompenserait de l’attention quasi constante que je lui portais par un long et loyal service d’amour. Mais non. Il était mort. Quand avais-je fait la dernière sauvegarde de mon ordinateur ? La réponse : jamais. Je travaille avec les Mac depuis 1993, et rien de tout cela ne m’étais jamais arrivé auparavant.
La seule sauvegarde de Heads You Die que j’avais était un document Word des 10 000 premiers mots que je m’étais envoyé à moi-même par mail lorsque je travaillais sur un autre ordinateur. Ce qui voulait dire que si je ne pouvais pas récupérer le document principal, 16 000 mots, […] seraient perdus. Environ un quart du roman. Et ma date limite se rapprochait…
Pour réagir ! Une réaction ridicule du condamné tel un poulet sans tête qui court une fois que le couperet est tombé, mais pour agir tout de même, j’ai parcouru les forums Mac pour trouver de mystérieux modes de démarrage alternatives, sans succès. J’ai copié et entré de petits morceaux de code informatique, dont je ne comprenais pas la moindre signification : sans succès. Ensuite, j’ai essayé le mode de démarrage alternatif qui consiste à frapper son ordinateur tout en jurant et en pleurant. La violence se tourna vers la prière, mais les deux étaient inutiles, car l’écran gris de la mort ne serait pas surmonté.
Que faire ? Croiser les doigts pour que les aventures cubaines de James puissent être récupérées par des professionnels en informatique et continuer là où je m’étais arrêté ? Ou réécrire le morceau manquant alors qu’il était encore raisonnablement frais dans mon esprit ?
Une telle situation est un double cauchemar pour l’écrivain. Tout d’abord, on réalise avec horreur que tant d’efforts peuvent avoir été perdu : je me sentais comme un coureur de marathon arthritique qui s’était dirigé dans la mauvaise direction sur plusieurs kilomètres ; je devrais dépenser tant d’énergie pour revenir au point où la calamité était arrivée et la ligne d’arrivée ne pourrait maintenant pour sur ne jamais être atteinte. Mais ce qui est encore pire pour un écrivain, c’est de devoir expliquer sa situation à son éditrice, avec des excuses pour un retard sur la date de livraison, « Mon portable a crashé et j’ai perdu une grosse partie de mon manuscrit » à ranger au même titre que les écoliers et « Le chien a mangé mon devoir ». Il sait que non seulement il ne va pas être cru, mais aussi que l’on va se moquer de l’originalité de son excuse sans pitié. Je voulais amener mon éditrice avec moi au magasin de réparation pour lui montrer la vérité de ma situation. Je voulais qu’elle voie mes larmes.
Après neuf jours durant lesquels j’ai fait des progrès sur mon Bond avec un stylo et du papier et n’ayant rien entendu de la boutique, j’ai téléphoné, craignant le pire. On m’a dit que les réparations n’avaient pas encore commencé et que personne n’avait confirmé ma réservation. Une fois calmé, j’ai acheté un nouvel ordinateur portable, craignant que l’ancien ne revienne jamais […].
Hélas, de nombreux fichiers n’ont pas plus être récupérés. Mes 16 000 mots de la lutte de James contre la corruption avaient eux-mêmes été corrompus. Comment mon éditrice a ri de l’ironie ! (Ou était-elle en larme ? C’était difficile d’entendre avec mes propres sanglots).
Pourtant, Bond n’abandonne jamais, et je ne pouvais pas me permettre ce luxe non plus. Il est vrai de dire que la réécriture est quelque chose qui ne prend jamais aussi longtemps que la première passe, mais c’est toujours une purge totale, surtout quand il y a tant de choses à réécrire. Ma date limite a été aimablement prolongée, et vraiment, toute cette réécriture apporte une plus grande concentration et clartée à un travail, donc je me console en me disant que Heads You Die est un meilleur roman qu’il ne l’était sur mon malheureux ordinateur portable. En outre, puisque les auteurs se nourrissent du martyre, de l’abnégation et de la commisération, l’expérience n’était pas mal du tout.
Mon ordinateur portable nouvellement réparé a survécu à un autre couple de mois avant de rendre l’âme pour de bon, et je me suis promis de ne plus jamais être pris au dépourvu. J’ai acheté un AirPort Time Capsule de deux téraoctets pour sauvegarder sans fil tous mes documents.
C’était il y a environ 10 mois. Un de ces jours, je vous jure que je vais le sortir de sa boîte et découvrir comment il fonctionne.
(MAJ : Amazon liste Strike Lightning pour le 1 septembre 2016.)
Source : The Guardian (Steve Cole)
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