Nous apprenons aujourd’hui que Sir Christopher Lee nous a quittés à l’âge de 93 ans. Monument du 7e art, connu pour ses nombreux rôles cultes de méchants, et également cousin par alliance de Ian Fleming, nous nous en souviendrons surtout comme l’immortel Homme au Pistolet d’Or, Francisco Scaramanga.
Pour l’occasion, nous publions cette chronique, parue dans Le Bond n°37, que nous vous proposons en version intégrale (et non raccourcie)
La carrière de Christpher Lee n’a jamais marqué d’arrêt, jusqu’à ce jour fatidique de juin où nous apprenons le décès de l’acteur : il enchaîne rôle sur rôle, dans des films bons comme mauvais, souvent aux cotés de célèbres réalisateurs comme Tim Burton, Martin Scorcese, Peter Jackson, depuis des téléfilms confidentiels et films d’auteurs (dont son meilleur : « The Wicker Man« ) jusqu’aux fameux blockbusters que sont Star Wars et le Seigneur des anneaux, en passant par les meilleures adaptations de Sherlock Holmes (sans oublier ses rôles au théâtre ou dans des albums de métal).
Tout comme Sean Connery, il a su redonner un souffle à sa carrière en vieillissant, sans se laisser aspirer par sa carrière de vampire, de sorte que son Dracula est aussi connu que son Saroumane ou son Comte Dooku. Au passage, Christopher Lee s’est invité dans la saga James Bond dans l‘Homme au pistolet d’or. Le film est mal aimé et pas franchement le plus réussi, pourtant, son méchant est très différent de tous ceux qui l’ont précédé ou suivi.
Christopher Lee aurait du faire son entrée dans le monde de James Bond beaucoup plus tôt : il connaît bien Ian Fleming puisqu’il est son cousin par alliance, et le père de 007 a pensé à lui pour jouer Dr. No dans la première aventure filmée pour le cinéma. Encore étiqueté ‘vampire’, il décline la proposition et grand bien lui en a pris !
Christopher Lee est en effet abonné aux rôles de grands méchants caverneux parlant avec une voix grave, sérieux et livides. Pourtant, c’est en 1973 et 1974 qu’il va offrir ses deux méchants les plus originaux. En 1973, il joue déjà avec la suédoise Britt Eckland dans le chef d’œuvre du Folk Horror : The Wicker Man : la future James Bond girl s’y montre torride et ambiguë (ce qui changera du rôle de Miss Bonnenuit), pendant que Christopher Lee fait de Lors Summerisle un prédicateur poli, illuminé, jovial et complètement fou.
La grande réussite de Christopher Lee, et d’avoir fait pour James Bond un méchant relativement léger, qui rompt avec ses rôles habituels. Le film lui-même est coloré, pas très sérieux, plein d’humour : bref, pas vraiment le genre de mission où aurait eu sa place un méchant machiavélique de type Blofeld. On peut reprocher cette atmosphère légère et potache du 2e film de Roger Moore, mais Scaramanga s’intègre très habilement dans le décor : d’un coté, il est comme les autres personnages : jovial, souriant, distingué, et jamais agressif. Chaque fois qu’il parle avec Bond, il fait preuve d’une courtoisie et d’une politesse jamais dissimulée. Admettons que cela change par rapport aux autres méchants qui prononcent leur « Bonjour Mr. Bond » comme une sentence de mise à mort.
D’un autre coté, toutes les séquences muettes contiennent un suspense de premier ordre. Dès qu’il s’empare de son arme, on voit Scaramanga se métamorphoser en assassin silencieux, au regard tueur, sournois et menaçant (par exemple, quand il prépare le meurtre de Hai Fat, impassible et sous ses yeux). Il arrive même à nous mettre mal à l’aise quand il vient retrouver Andrea Anders dans son bateau et la force à embrasser sensuellement son arme.
On en arrive donc à des scènes très réussies, où Bond et Bonnenuit se retrouvent dans une île de rêve, peuplée de nains et de plats aux champignons, avec Scaramanga qui fait les honneurs de la maison : dans le même temps, Bond, Bonnenuit et nous-mêmes restons tendus car on ne sait pas ce que le tueur a en réserve. De même, malgré le ton léger du film, on nous offre quelques scènes bien morbides où l’homme au pistolet d’or vient discuter avec Bond comme un vieil ami, alors que sa victime repose déjà froide à coté de Bond.
On nous dira souvent dans les films de James Bond que le méchant est « le reflet de 007 dans l’ombre« . En fait, ça n’a jamais été aussi vrai que dans l’homme au pistolet d’or ! Scaramanga se montre souvent plus aimable que Bond ne l’est lui-même : ils ont le même âge, s’entourent de belles femmes, affectionnent les plaisirs de la table, les gadgets, les beaux habits. Bond vole l’identité de Scaramanga et Scaramanga vole sa James Bond Girl. Si le tueur à gage tue facilement, on voit également Bond menacer à bout portant le vendeur d’arme Lazar.
En fin de compte, la question est posée, qui est le plus cynique des deux : Scaramanga qui collectionne les gadgets et les jolies femmes sur son île au bout du monde, piégé dans sa propre maison par les labyrinthes de Tric Trac, ou Bond qui enferme des nains et jouit de ses conquêtes dans le bateau même de son ennemi ? On en vient presque à plaindre ce méchant quand on voit la surprise se peindre sur son visage alors qu’il se fait duper par Bond.
L’homme au pistolet d’or ne sera jamais le meilleur des James Bond, mais son méchant est le premier méchant principal qui s’occupe lui-même du sale boulot. Sans avoir une armée à son service, c’est lui qui arrive à créer le plus de tension à l’écran, quand il fait tomber son masque aimable pour révéler le visage d’un redoutable tueur au milieu de décors paradisiaques.
Merci Monsieur Christopher Lee pour un tel méchant !
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Yvain Bon
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